Reconnaissance

Le Pilier Nord du Mont Harkness

[Jean]

Aujourd’hui, après notre décision de ne pas tenter le pilier Sud du Spectre, nous sommes partis reconnaître le pilier nord du mont Harkenes, esthétique sommet vierge qui fait face au Spectre et à notre camp de base. A peine partis, et bien qu’emballé dans 4 couches de vêtements, j’ai froid. Qu’est ce que je fais là ? Plus on approche, plus ça semble raide. Au pied du pilier, fou rire général : Une fois de plus les échelles de distance et les perspectives se sont jouées de nous. Ce que nous avions pris pour une escalade peu raide et rapide est en réalité un authentique Big wall qui serait un joyau, même posé au milieu de la vallée du Yosemite. Le rocher, patiemment érodé par le vent est d’une qualité extraordinaire mais extrêmement compact. Les très rares fissures qui le strient sont toutes larges, trop larges, raides, sans prise autour. Leo, qui a passé toute sa vie d’adulte sur les Big walls du monde avoue n’avoir jamais été trompé à ce point par l’aspect d’une montagne. Ces montagnes sont des murs. Aucune ligne ne semble facile d’autant que ce pilier est très exposé au vent. Lequel nous chasse. Nous avons eu une chance incroyable avec la météo de pouvoir grimper le Spectre il y a 3 jours, seul jour grimpable, mais l’Antarctique se fout pas mal de nos ambitions de vouloir grimper plus.

Le vent chasse les esquilles de glace détachées par les crampons dans un bruit cristallin, les reflets sont irréels, magnifiques. Nous​ sommes dans les Gothic mountains depuis une semaine, je devrais m’y sentir plus à l’aise mais aujourd’hui avec ce ciel couvert et ce vent, tout me semble plus hostile et plus froid, désespérément minéral. Rien ne vit ici: pas un oiseau, une plante, ni même un lichen. Sans présence, le temps n’y a qu’une valeur géologique. Nous ne sommes ici que des particules étrangères, de passage. Tu te crois où petit humain ? Tu te crois fort avec ta pulka et tes 3 cordes ? Ben non, justement : nous avons choisi cette légèreté de moyens et le sentiment de vulnérabilité qu’elle engendre, nous devons en accepter les contraintes sur nos velléités d’escalade par temps instable. L’approche, au combien plus dure que prévue, a raboté le temps imparti aux montagnes. Déjà, il faut songer au départ, dans 3 jours maximum.

À bientôt

Jean 🙂

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